Chaque année, le 9 décembre, le monde se penche sur l’un des échecs les plus graves de l’humanité : le crime de génocide. Cette date a été reconnue au niveau international en 2015, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’initiative de l’Arménie, a établi cette journée comme la Journée internationale de commémoration et de dignité des victimes du crime de génocide et de la prévention de ce crime. Ce choix était à la fois symbolique et réfléchi : il coïncide avec l’anniversaire de la Convention sur le génocide de 1948, le premier traité relatif aux droits humains adopté par l’ONU après la Seconde Guerre mondiale.
Pour les Ezidis, cette journée résonne d’une manière à la fois universelle et profondément personnelle. Plus d’une décennie après le génocide de 2014 perpétré par l’État islamique, les souffrances persistent. Près de 200 000 Ezidis vivent encore en situation de déplacement à l’intérieur de l’Irak. Plus de 2 500 femmes et enfants restent portés disparus. De nombreux sites de sépultures de masse à Sinjar attendent toujours d’être exhumés et identifiés dignement. Chaque chiffre reflète une famille en quête de réponses, un futur interrompu et un deuil qui reste incomplet.
Cette journée existe parce que le simple souvenir n’est pas suffisant. La Convention sur le génocide impose à tous les États l’obligation de prévenir le génocide, de protéger les populations vulnérables et de punir les auteurs. Pourtant, le monde continue de faire face à une violence croissante, à des signaux d’alerte ignorés et à des échecs dévastateurs pour agir avant que les atrocités ne se produisent. L’écart entre principe et pratique reste immense.
Dans ce contexte, le courage des survivants à Sinjar est un témoignage de résilience. Ils reconstruisent des maisons, restaurent la vie culturelle et protègent les traditions du peuple ezidi et de sa foi Sharfadin. Les femmes, en particulier, jouent un rôle central dans la reconstruction : elles façonnent les démarches de justice, restaurent les structures sociales et reprennent en main un avenir que le génocide voulait effacer.
Le dixième anniversaire de cette journée internationale en 2025 a relancé les appels mondiaux à l’action. Aux Nations Unies, les États ont été invités à renforcer les systèmes d’alerte précoce, à soutenir la responsabilité pour les crimes d’atrocité et à respecter les engagements de la Convention sur le génocide. Certains pays, reconnaissant que la prévention du génocide est un devoir envers toute l’humanité, sont intervenus dans des procédures juridiques internationales pour défendre l’intégrité de la Convention et exiger la responsabilité dans des conflits actuels. Ces actions soulignent une vérité fondamentale : la prévention n’est pas symbolique, elle est une responsabilité.
Pour les Ezidis, la voie à suivre est indissociable de la justice. Il ne peut y avoir de prévention réelle tant que des milliers de personnes restent portées disparues, que des familles attendent l’exhumation des tombes collectives et que le déplacement se poursuit sans possibilité de retour sûr. Confronter les atrocités passées n’est pas simplement un acte de mémoire : c’est la seule manière de prévenir la violence future.
Aujourd’hui, les Ezidis se souviennent de ceux qui ont été tués, se tiennent aux côtés de ceux qui recherchent encore leurs proches et honorent les survivants qui reconstruisent chaque jour avec une force extraordinaire. Cette journée rappelle au monde que la mémoire exige l’action, que la dignité exige la justice et que la prévention exige le courage de confronter et d’arrêter les crimes d’atrocité avant qu’ils ne se produisent.
